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épais, et échangeant avec elles des déclarations brûlantes — par gestes.

C’est ce qu’on appelle là-bas far’ l’amore… Les sérénades sont aussi dans les mœurs et, souvent, l’on voit un jeune homme, accompagné de ses amis, jouer de la mandoline ou de la guitare, et chanter sous les fenêtres de sa belle invisible.

Les chants de la Sardaigne sont tristes, et les airs en ont une monotonie douce, susurrante, tout arabe… De loin, les premiers temps, il m’est arrivé de me demander si ce n’étaient pas réellement des airs de la patrie africaine qui montaient vers moi, dans la nuit…

Les paysans de la montagne et les pêcheurs, comme les chameliers bédouins, improvisent en errant dans leurs sombres forêts de pins, ou sur la grève.

    

… La douleur et la tristesse qui s’exhalent par des chants cessent d’être lugubres. En haut, sur l’esplanade du Castello, un coucher de soleil.

Penchée sur le parapet de pierre d’une terrasse haute, une jeune fille semble rêver, dans l’incendie rouge du soir. Elle porte une robe légère de mousseline bleu pâle. Une mantille de dentelle blanche adoucit l’éclat de ses cheveux noirs, de ses yeux d’ombre. Elle a l’air candide et mélancolique…

En bas, appuyé contre le tronc d’un pin, un jeune carabinier semble, lui aussi, être venu là