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des familles entières, entassées, malingres, tremblantes d’anémie et de fièvre, comme des plantes poussées dans les souterrains. Jamais un rayon de soleil n’y glisse, dans cette obscurité délétère où tant d’êtres végètent dans la pourriture et l’infection. De là sortent des femmes en haillons, hâves, maigres, sans âge, des hommes à l’air de bandits et une tourbe d’enfants à peine vêtus, chétifs et mal venus qui s’attachent obstinément, désespérément au pas des passants pour mendier.

Coiffes de nonnes, robes de bure et cagoules de moines errent dans ce labyrinthe comme des apparitions. Une odeur âcre d’humidité, de salpêtre et d’antiquité règne là… et aussi un silence de mort, aussitôt que les bambini sont loin.

Décidément la pouillerie italienne n’a pas la grandeur résignée de celle des pays d’Islam, assainie et éclairée par le grand soleil purificateur !

Là-bas, le mendiant se drape dans les loques terreuses de son burnous avec la majesté d’un prince déchu, et mendie au nom de Dieu, mais ne supplie jamais.

Ici, il est humble, avili, craintif, s’abaissant devant le riche et l’étranger, obséquieux jusqu’à perdre toute dignité humaine.

À la nuit tombante, il est certains quartiers où les gouges affreuses, sous leurs loques immondes, sortent de leurs caveaux pour attendre les matelots et les soldats en des attitudes veules et bestiales.

Cependant, le vrai type Sarde est beau, surtout