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pour voir la date, démêlant, à travers le brouillard qui troublait déjà son intelligence, notre supercherie.

— Mon Dieu ! Mais vous me dites des mensonges ! Voilà deux jours que vous me dites que nous sommes le sept !… Oh, donnez-moi les journaux ! Ne me faites pas manquer mes examens…

Une fois qu’elle était plus calme, elle prit la main de l’interne Vlassof, et lui dit d’un ton suppliant, avec un regard d’une tristesse infinie :

— Vlassof ! Cher ami… Dites-moi la vérité ! Vous savez que je ne vivrai plus longtemps… Il ne faut pas me faire manquer cette cession… L’autre est si loin. Prévenez-moi la veille, et je serai sur pied, je vous assure…

La volonté de durer, de parfaire son œuvre était si forte en elle qu’elle s’illusionnait sur son état, croyant en la toute-puissance de la volonté.

Mais ces accalmies étaient brèves, et le sombre délire de la fin la reprenait presque aussitôt.

Elle craignait surtout la solitude. Elle voulait être veillée, comme si elle eût redouté l’apparition d’un fantôme déjà entrevu, mais que notre présence éloignait…

Parfois, elle croyait être aux examens et, dans le silence des nuits angoissées, elle répétait des formules, s’efforçait de les expliquer, de tirer une à une, péniblement, ses idées du grand vague, où son esprit flottait déjà.

Chose étrange, pas un seul instant, elle ne perdit