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qu’elle sait très bien ce qu’elle a et ce qu’elle doit faire… Et là encore, je devine une secrète faiblesse : n’a-t-elle pas peur d’entendre un autre dire tout haut, avec des mots d’une désespérante netteté, ce qu’elle pense ?

    
Octobre.

Pendant ces trois mois qui viennent de s’écouler, son état a été stationnaire. Par des prodiges de soins et surtout d’énergie, malgré le prorata très restreint de nos ressources — une brouille passagère avec ma famille me laisse sans subsides pour le moment — Chouchina s’est maintenue sur pieds, et à l’œuvre. Seulement, l’inquiétude de son regard s’accentuait souvent et semblait presque de l’épouvante.

Cependant, la sérénité de son caractère ne diminuait point, ni son assiduité au travail.

Visiblement, elle maigrissait. La petite toux brève et sèche était devenue presque continuelle.

Il y a peu de jours, elle se décida à consulter notre amie Marie Edouardowna, doctoresse experte et bienveillante…

— Soignez-vous bien. Pas de coups de froid. Mangez beaucoup et prenez des fortifiants. Prenez aussi de la créosote.

À moi, Marie Edouardowna dit avec une gravité attristée :

— La fin est très proche. Cette fille a une force