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Allahou Akbar ! Allahou Akbar ! Dieu est le plus grand ! clame le mueddine aux quatre vents du ciel.

Oh, comme ils sonnent étrangement, ces appels millénaires de l’Islam, comme déformés et assombris par les voix plus sauvages et plus rauques, par l’accent traînant des mueddines du désert !

De toutes les dunes, de tous les vallons cachés, qui semblaient déserts, tout un peuple uniformément vêtu de blanc, descend, silencieux et grave, vers les zaouïyas et les mosquées.

Ici, loin des grandes villes du Tell, point de ces êtres hideux, produits bâtards de la dégénérescence et d’une race métissée, qui sont les rôdeurs, les marchands ambulants, les portefaix, le peuple crasseux et ignoble des Ouled-el-Blassa.

Ici, le Sahara âpre et silencieux, avec sa mélancolie éternelle, ses épouvantes et ses enchantements, a conservé jalousement la race rêveuse et fanatique venue jadis des déserts lointains de sa patrie asiatique.

Et ils sont très grands et très beaux ainsi, les nomades aux vêtements et aux attitudes bibliques, qui s’en vont prier le Dieu unique, et dont aucun doute n’effleura jamais les âmes saines et frustes.

Et ils sont bien à leur place là, dans la grandeur vide de leur horizon illimité où règne et vit, splendide, la souveraine lumière…