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À El Oued, pas de forêt de dattiers obscurs enserrant la ville, comme dans les oasis des régions pierreuses ou salées…

La ville grise perdue dans le désert gris, participant tout entière de ses flamboiements et de ses pâleurs, comme lui et en lui, rose et dorée aux matins enchantés, blanche et aveuglante aux midis enflammés, pourpre et violette aux soirs irradiés… et grise, grise comme le sable dont elle est née, sous les ciels blafards de l’hiver !

Quelques vapeurs blanches qui flottaient, légères, dans l’embrasement du zénith profond, s’en allaient maintenant, pourpres et frangées d’or, vers d’autres horizons, — tels les lambeaux d’un impérial manteau disséminés au souffle capricieux de la brise…

Et toujours encore, pendant toutes ces métamorphoses, pendant toute cette grande féerie des choses, — pas un être, pas un son.

Les ruelles étroites aux maisons caduques s’ouvraient, désertes, sur l’immensité en feu des cimetières vagues, sans murs et sans limites.

Cependant, la teinte pourpre du ciel, qui semblait se refléter dans le chaos des dunes, devenait de plus en plus sombre, de plus en plus fantastique.

Le disque démesuré du soleil, rouge et sans rayons, achevait de sombrer derrière les dunes basses de l’horizon occidental, du côté d’Allennda et d’Araïr.