Page:Eberhardt - Contes et paysages, 1925.pdf/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Sidi Salem s’élevait, déjà irisé, déjà tout rose dans le reflet occidental.

Les ombres des choses s’allongeaient démesurément, se déformaient et pâlissaient sur le sol, devenu d’une couleur indéfinissable…

La ville semblait morte et abandonnée. Pas un être vivant alentour, pas une voix.

Toutes les cités des pays de sable, bâties en plâtras léger, ont un aspect sauvage, délabré et croulant.

Et, tout près, des tombeaux et des tombeaux, toute une autre ville — celle des morts attenante à celle des vivants.

Les dunes allongées et basses de Sidi-Mestour qui dominent la ville vers le sud-est semblaient maintenant autant de coulées de métal incandescent, de foyers embrasés, d’un rouge violacé d’une invraisemblable intensité de couleur.

Sur les petits dômes ronds, sur les pans de murs en ruines, sur les tombeaux blancs, sur les couronnes échevelées des grands dattiers, des lueurs d’incendie rampaient, magnifiant la ville grise en un flamboiement d’apothéose.

Le dédale marin des dunes géantes de l’autre route déserte qui mène à Touggourt, d’où nous venons par Taïbett-Guéblia, se dessinait, irisé, noyé en des reflets d’une teinte de chamois argenté, sur la pourpre sombre du couchant.

Jamais, en aucune contrée de la terre, je n’avais vu le soir se parer d’aussi magiques splendeurs !