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Souf, de sa beauté particulière, de son immense tristesse aussi.

Après la sieste dans les jardins ombreux de l’oasis d’Ourmès, l’âme tout à l’attente anxieuse, irraisonnée d’une vision que je pressentais devoir dépasser en splendeur tout ce que j’avais vu jusqu’alors, — je repris avec mon petit convoi bédouin la route de l’est, sentier ardu qui tantôt serpente dans les défilés fuyants des dunes, tantôt grimpe sur les arêtes aiguës, à d’invraisemblables altitudes, hasardeusement.

Après avoir traversé, lentement et comme en rêve, les petites cités caduques enserrées autour d’El Oued : Kouïnine, Teksébett, Gara, nous atteignîmes la crête fuyante et oblique de la haute dune dite de Si Ammar ben Ahsène, du nom d’un mort qui y est enterré à la place où il fut tué jadis.

C’était l’heure élue, l’heure merveilleuse au pays d’Afrique, quand le grand soleil de feu va disparaître enfin, laissant reposer la terre dans l’ombre bleue de la nuit.

Du sommet de cette dune, on découvre toute la vallée d’El Oued, sur laquelle semblent se resserrer les vagues somnolentes du grand océan de sable gris.

Étagée sur le versant méridional d’une dune, El Oued, l’étrange cité aux innombrables petites coupoles rondes changeait lentement de teinte.

Au sommet de la colline, le minaret blanc de