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Yasmina, passive, s’abandonnait à son sort…

Par instinct d’amoureuse passionnée, elle avait bien senti que Jacques l’avait oubliée, et tout lui était désormais devenu égal.

Cependant, une angoisse étreignait son cœur à la pensée de ce mariage, car elle connaissait trop bien les mœurs de son peuple pour ne pas prévoir la colère de son mari, quand il s’apercevrait qu’elle n’était plus intacte.

Elle était déjà certaine de devenir la femme du cahouadji borgne, quand, brusquement, survint une querelle d’intérêts entre Hadj Salem et Elaour.

Peu de jours après, Yasmina apprit qu’on allait la donner à un homme qu’elle n’avait entrevu qu’une fois, un spahi, Abd-el-Kader ben Smaïl, tout jeune et très beau, qui passait pour un audacieux, un indomptable, mal noté au service pour sa conduite, mais estimé de ses chefs pour son courage et son intelligence.

Il prit Yasmina par amour, l’ayant trouvée très belle, dans l’épanouissement de ses quinze ans… Il avait offert à Hadj Salem une rançon supérieure à celle que promettait Elaour. D’ailleurs, cela flattait l’amour-propre du vieillard de donner sa fille à ce garçon, issu d’une bonne famille de Guelma, quoique brouillé avec ses parents à la suite de son engagement.

Les fêtes de la noce durèrent trois jours, au douar d’abord, ensuite en ville.

Au douar, l’on avait tiré quelques coups de