Page:Eberhardt - Contes et paysages, 1925.pdf/42

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Chérif se mit à rire.

— Si, tu étais sa maîtresse, fille du péché ! Et je devrais te couper la tête pour cela, bien que Jacques soit un frère pour moi. Viens là-bas, au fond de l’oued. Personne ne doit nous voir. J’ai une lettre de Jacques pour toi et je vais te la lire.

Joyeusement, elle battit des mains.

Jacques lui faisait savoir qu’elle pouvait avoir toute confiance en Chérif, et que, s’il lui arrivait jamais malheur, elle devrait s’adresser à lui. Il lui disait qu’il ne pensait qu’à elle, qu’il lui était resté fidèle. Il terminait en lui jurant de toujours l’aimer, de ne jamais l’oublier et de revenir un jour la reprendre.

… Beaux serments, jeunes résolutions irrévocables, et que le temps efface et anéantit bien vite, comme tout le reste !…

Yasmina pria Chérif de répondre à Jacques qu’elle aussi l’aimait toujours, qu’elle lui resterait fidèle tant qu’elle vivrait, qu’elle restait son esclave soumise et aimante, et qu’elle aimerait être le sol sous ses pieds.

Chérif sourit.

— Si tu avais aimé un Musulman, dit-il, il t’aurait épousée selon la loi, et tu ne serais pas ici, à pleurer…

Mektoub !

Et l’officier remonta sur son étalon gris et repartit au galop, soulevant un nuage de poussière.

Jacques craignait d’attirer l’attention des gens