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le burnous et le turban, mener une existence insoucieuse et lente, dans quelque Ksar du Sud… Quand Jacques était loin de Yasmina, il retrouvait toute sa lucidité et il souriait de ces enfantillages mélancoliques… Mais, dès qu’il se retrouvait auprès d’elle, il se laissait aller à une sorte d’assoupissement intellectuel d’une douceur indicible. Il la prenait dans ses bras et, plongeant son regard dans l’ombre du sien, il lui répétait à l’infini ce mot de tendresse arabe, si doux :

— Aziza* ! Aziza ! Aziza !…

Yasmina ne se demandait jamais quelle serait l’issue de ses amours avec Jacques. Elle savait que beaucoup d’entre les filles de sa race avaient des amants, qu’elles se cachaient soigneusement de leurs familles, mais que, généralement, cela finissait par un mariage.

Elle vivait. Elle était heureuse simplement, sans réflexion et sans autre désir que celui de voir son bonheur durer éternellement.

Quant à Jacques, il voyait bien clairement que leur amour ne pouvait que durer ainsi, indéfiniment, car il concevait l’impossibilité d’un mariage entre lui qui avait une famille, là-bas, au pays, et cette petite Bédouine qu’il ne pouvait même songer à transporter dans un autre milieu, sur un sol lointain et étranger.

Elle lui avait bien dit que l’on devait la marier à un cahouadji de la ville, vers la fin de l’automne…

Mais c’était si loin, cette fin d’automne… Et