YASMINA
lle avait été élevée dans un site
funèbre où, au sein de la désolation
environnante, flottait l’âme
mystérieuse des millénaires abolis.
Son enfance s’était écoulée là, dans les ruines grises, parmi les décombres et la poussière d’un passé dont elle ignorait tout.
De la grandeur morne de ces lieux, elle avait pris comme une surcharge de fatalisme et de rêve. Étrange, mélancolique, entre toutes les filles de sa race : telle était Yasmina la Bédouine.
Les gourbis de son village s’élevaient auprès des ruines romaines de Timgad, au milieu d’une immense plaine pulvérulente, semée de pierres sans âge, anonymes, débris disséminés dans les champs de chardons épineux d’aspect méchant, seule végétation herbacée qui pût résister à la chaleur torride des étés embrasés. Il y en avait