Page:Eberhardt - Contes et paysages, 1925.pdf/160

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lamentablement, encore inachevée, jetée à terre, brusquement, cruellement…

Les infirmiers étaient devenus nettement ironiques et, dans leur attitude, au lieu de la bonhomie ragaillardie qu’il avait su leur laisser prendre, il y eut parfois de l’insolence, presque du mépris.

Ses amis et ses compagnons de promenades lointaines, les spahis du bureau arabe, s’étaient de nouveau retranchés dans un mutisme lourd, dans la soumission froide des premiers jours.

Restait Embarka.

Mais la certitude que tout ce rêve dont il s’était grisé depuis une demi-année prenait fin, que tout s’éboulait, que c’était l’agonie de son bonheur, avait troublé pour lui le calme de sa demeure en ruines et charmante…

Jacques y passa des heures très amères, à songer à ces jours heureux, à jamais abolis, et aux causes de sa défaite.

Il comprenait qu’il avait suffi au capitaine et à ses adjoints de dire devant les chefs indigènes combien ils condamnaient l’attitude du docteur et combien sa fréquentation était peu désirable pour ses chefs pour qu’ils fussent obligés, dans leur subordination absolue, de l’abandonner…

Et une tristesse infinie serrait le cœur de Jacques. Un événement fortuit hâta l’écroulement définitif de tout ce qu’il avait édifié pour y vivre et pour y penser.

Embarka allait parfois rendre visite à une amie,