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— Je vous ai déjà averti plusieurs fois, docteur, que votre attitude n’est pas celle qui convient à votre rang et à vos fonctions. Non seulement que, dans vos rapports avec les hommes et avec votre clientèle indigène, vous n’avez tenu aucun compte de mes conseils, mais encore, vous avez contracté une liaison avec une femme indigène de très mauvaise réputation. Vous en avez fait votre maîtresse, vous vivez chez elle. Actuellement, vous affichez votre liaison au point de vous promener, le soir, avec elle. Vous avouerez qu’une telle conduite est impossible. Je vous prie donc de rompre cette liaison aussi ridicule que préjudiciable à votre prestige, au nôtre à tous… Je vous en prie, rompez là. C’est un enfantillage, et il faut que cela finisse au plus vite, sinon, nous serions profondément ridicules. Vous concevez facilement combien il m’est désagréable de devoir vous parler ainsi… Mais excusez ma rudesse. Je ne puis tolérer un état de choses pareil… Songez donc ! Vous vous installez au café maure, à côté des pouilleux que vous avez déjà déshabitués de vous saluer… Vous avez des amitiés compromettantes avec des marabouts… Et cette liaison, cette malheureuse liaison !

Jacques protesta. Il n’était donc même plus le maître de sa vie privée, de ses actes en dehors du service ! Pourquoi d’autres officiers avaient-ils chez eux, dans le bordj, des négresses, cadeaux de chefs indigènes… Pourquoi d’autres amenaient-ils là des Européennes, d’affreuses garces sorties