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Mais c’est encore moins grave que votre attitude vis-à-vis des indigènes civils. Vous êtes beaucoup trop familier avec eux ; vous n’avez pas le souci constant et nécessaire d’affirmer votre supériorité, votre autorité sur eux. Croyez-moi, ils sont tous les mêmes, ils ont besoin d’être dirigés par une main de fer. Votre attitude pourra avoir dans la suite les plus fâcheuses conséquences… Elle pourrait même jeter le trouble dans ces âmes sauvages et fanatiques. Vous croyez à leurs protestations de dévouement, à la prétendue amitié de leurs chefs religieux… Mais tout cela n’est que fourberie… Méfiez-vous… Méfiez-vous ! Moi, c’est d’abord dans votre intérêt que je vous dis cela. Ensuite, je dois prévoir les conséquences de votre attitude… Vous comprenez, j’ai ici toute la responsabilité !

Blessé profondément, ennuyé surtout, Jacques eut un mouvement de colère et il exprima au capitaine ahuri d’abord, assombri ensuite, ses idées, tout ce qui résultait de ses observations.

Le capitaine Malet fronça les sourcils.

— Docteur, avec ces idées, il vous est impossible de faire votre service ici. Abandonnez-les, je vous en prie. Tout cela, c’est de la littérature, de la pure littérature. Ici, avec de pareilles idées, on aurait tôt fait de provoquer une insurrection !

Devant cette morne incompréhension, Jacques se sentit pris de rage et de désespoir.

— Pensez ce que vous voudrez, docteur, mais,