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Entre Cagliaritains et Sassarais (on dit Cagliaritano et Sassarese) la haine est irréconciliable, éternelle.

Che volete ? Quest’huomu e un’facchinu frustu, una bruta, bestia di Sassarese, dit le Cagliaritain.

— Et le Sassarais de répondre : — E un’lazzarone che viva della carita’christiana* !

Le méridional reproche à l’homme du nord son manque d’usage, sa rudesse républicaine… Le marchand et le laboureur reprochent à l’homme d’indolence et de rêve sa fainéantise… Il n’est qu’une seule chose sur laquelle tous les Sardes s’entendent : c’est leur haine et leur mépris de l’Italien, du continentale envahisseur. Ils regrettent leur indépendance. Continentale est presque une injure dans la bouche du Sarde. Interrogé sur sa nationalité, il répond fièrement : Som’Sardo !

Le brigandage n’existe plus à l’état permanent en Sardaigne, mais les montagnes jouissent d’une réputation d’insécurité.

La mémoire des Cagliaritains est encore pleine des exploits des écumeurs de montagnes et même de ceux des corsaires de jadis. Au fond de leur âme violente et sombre les marchesi et les conti ruinés, qui perpétuent les vieux usages de la féodalité disparue, dans leurs palazzi lézardés et noirs, regrettent le temps des aïeux, quand le plus audacieux, le plus hardi devenait le maître incontesté de la cité.

La conservation farouche des usages de jadis