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cienne place, Charlie sera mis à la porte et je demeurerai seul en scène. Je ne me sens pas capable de remplir le rôle.

— Je n’y avais pas songé. Cependant, il y a suffisamment de besogne au ranch pour deux domestiques quand Madden y séjourne. Je pense qu’il gardera les deux Chinois. Alors, quelle belle occasion pour Charlie de tirer les vers du nez à Louie ! Vous ou moi pourrions lui poser des questions jusqu’au jour du Jugement sans rien apprendre de nouveau ; tandis que Charlie… c’est différent…

Bientôt Louie arriva d’un pas traînant, une petite valise d’une main et, dans l’autre, un grand sac de papier bien gonflé.

— Qu’emportez-vous là, Louie ? Des bananes, hein ? demanda Holley à la vue de ce sac.

— Tony li aimer bananes, expliqua le vieux Chinois. Plésent pou Tony.

Eden et Holley s’entreregardèrent.

— Louie, dit doucement le journaliste, la pauvre Tony est mort.

Quiconque se figure que la face d’un Chinois demeure toujours impassible aurait dû voir Louie en ce moment-là. Une expression de souffrance et de colère tordit ses traits et il éclata en un flot de paroles terribles qui ne nécessitaient pas de traduction.

— Pauvre vieux Louie ! fit Holley, compatissant.

— Se doute-t-il de l’empoisonnement du perroquet ?

— Je n’en sais rien, répondit le journaliste. On le dirait à ses imprécations.

Louie, criant toujours aussi fort, monta sur le siège arrière de la voiture et Bob Eden prit place au volant.

— Soyez prudent, conseilla Holley. À bientôt !

Bob mit l’auto en marche et, avec le vieux Louie Wong, commença la randonnée la plus étrange de sa vie.

La lune n’était pas encore levée, et les étoiles, faibles et lointaines, ne donnaient aucune clarté. Ils grimpèrent entre les collines et s’engouffrèrent dans un enfer noir et plein de menaces qu’Eden sentait sans pouvoir distinguer.

De chaque côté de la piste du désert, de petites lumières jaunes et hostiles apparaissaient par instants et s’effaçaient à jamais. Les fantomatiques arbres de Judée semblaient se tordre de douleur et lançaient au ciel des bras déformés et suppliants. Et constamment, au fond de