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que-là. Avez-vous déjà contemplé d’aussi adorables couleurs ?

— Jamais. Et, de surcroît, elles sont naturelles…

— Je parle du désert. Voyez ces pics coiffés de neige !

— Admirables ! Mais, si vous permettez, je préfère porter moins loin mes regards. Sans doute vous a-t-il dit que vous êtes belle ?

— Qui ça ?

— Willy, votre fiancé.

— D’abord il s’appelle Jack. Laissez ce brave garçon tranquille.

— Évidemment, il est brave, sans quoi vous ne l’auriez point choisi. Toutefois, écoutez un homme qui a l’expérience de la vie. Le mariage est le refuge des esprits faibles.

— Ah ! vous croyez ça ?

— Parfaitement. J’y ai bien réfléchi pour mon propre compte. Plus d’une fois j’ai rencontré des jeunes filles dont le regard semblait dire : « Je pourrais peut-être devenir votre femme. » Mais je me suis tenu sur mes gardes. « Résiste, mon petit »… voilà ma devise.

— Ainsi, vous avez toujours résisté ?

— Pardi ! Et vous me voyez libre et heureux. Quand vient le soir et que l’atmosphère s’emplit de gaîté et que les lumières brillent autour d’Union Square, je prends mon chapeau. Et qui me demande, d’une voix douce et patiente : « Où vas-tu, mon cher mari ? Je te suis » ?

— Personne.

— Pas une âme. C’est magnifique. Mais vous… votre cas est le même. Naturellement, il existe des millions de jeunes filles dont l’idéal est le mariage. Quant à vous… vous occupez une situation superbe. Le désert, les montagnes, les défilés… vous échangeriez tout cela, de gaieté de cœur, contre un fourneau à gaz au fond d’un appartement ?

— Peut-être pourrons-nous nous payer une bonne ?

— Beaucoup le peuvent… mais où en trouver de nos jours ? Je vous avertis… réfléchissez. Vous menez une existence heureuse qui finira avec le mariage. Vous raccommoderez les chaussettes de Wilbur…