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maison d’école au milieu de la vallée… je voulais avoir un traîneau… une époque de privations, certes, mais c’est cela qui fait les hommes. Bah ! ne revenons pas là-dessus.

Ils écoutèrent en silence, mais bientôt un stupide bavardage remplaça la musique et provoqua la mauvaise humeur du millionnaire. Thorn réduisit l’appareil au silence.

Madden, ennuyé, s’agitait dans son fauteuil.

— Nous ne pouvons jouer au bridge à trois… Si nous faisions une partie de poker pour passer le temps ?

— Bonne idée ! répondit Eden. Je crains seulement que vous ne jouiez trop gros pour moi.

— Ne vous alarmez pas… nous limiterons nos mises.

Madden se leva.

— Rentrons, dit-il.

Ils revinrent dans la grande salle et fermèrent les portes. Les trois hommes s’assirent autour d’une table ronde brillamment éclairée.

— Ouverture aux valets.

— Bien… répliqua Eden, avec quelque hésitation.

Il avait de bonnes raisons d’hésiter, car aussitôt le jeu prit une tournure à laquelle il n’était point préparé. Les parties de cartes jouées au collège et dans les cercles de journalistes à San Francisco n’étaient que jeux d’enfants en comparaison de celle-ci. Madden n’était plus l’homme qui remarquait la blancheur des étoiles. Il s’intéressait plutôt à la couleur des jetons rouges, blancs ou bleus et les caressait amoureusement. C’était Madden le spéculateur, celui qui pariait sur les chemins de fer, les forges, les fortunes de petites nations, et qui, après avoir spéculé tout le jour à Wall Street, venait, la nuit, tenter sa chance à la roulette dans la Quarantième Rue.

— Trois as ! Et vous, Eden ?

— Rien de bien. Je donnerais tout mon jeu pour un vieux timbre !

— Martin, à vous la main ! fit Madden.

Soudain on frappa à la porte, un coup fort et distinct. Bob Eden sentit son cœur se glacer. De l’obscurité extérieure, du vaste désert, une voix parlait : on demandait à entrer.