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observé la plus grande discrétion. Toutefois, je pense que cette histoire a été — comme vous dites — imaginée de toutes pièces.

— Très probablement.

— Sortons un peu, voulez-vous ? proposa le millionnaire.

Par la porte vitrée, ils passèrent dans le patio où ronflait un grand feu. La flamme jetait des lueurs rouges sur les dalles de pierre et sur les fauteuils d’osier.

— Asseyez-vous, dit Madden. Un cigare ? Non, vous préférez vos cigarettes… J’aime à me reposer dans ce patio… il y fait un peu frais, mais on sent le désert si proche… Avez-vous remarqué comme les étoiles sont blanches dans ce pays ?

Eden le regarda, tout surpris.

— Certes… je l’ai remarqué, dit-il, et il songea à part lui : « Mais je n’aurais jamais pensé que toi aussi tu l’eusses remarqué. »

À l’intérieur, Thorn faisait marcher la T. S. F. Une horrible mixture de bavardages, de solo de violon, de discours et de conseils sur la beauté et la santé parvenait jusqu’au patio. Bientôt se fit entendre une voix aiguë de femme prêchant le repentir.

— Donnez le poste de Denver, Thorn ! cria Madden.

— J’essaie, patron.

— S’il me faut écouter ce sacré appareil, je veux entendre quelque chose qui vienne de très loin, par-delà les monts et les plaines.

Tout à coup une musique de danse éclata joyeusement.

— Voilà l’orchestre du Brown Palace, à Denver. Ma fille danse peut-être au son de cette musique. Pauvre enfant ! Elle doit se demander ce que je deviens. Elle m’attend depuis deux jours. Thorn !

Le secrétaire apparut à la porte.

— Rappelez-moi d’envoyer un télégramme à Evelyn demain matin.

— Bien, monsieur !

— Et le jazz joue toujours. Nous l’entendons de Denver, par delà les montagnes rocheuses. L’homme devient trop savant ; il court à sa perte. Sans doute que je vieillis ; je regrette le bon vieux temps, alors que j’étais gamin dans la ferme… les matins d’hiver… la petite