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VUES GÉNÉRALES.

çoit qu’étrangeté et anomalie dans lia nouveauté de choses incomprises. Ces organes reçoivent ou prennent une destination en vue les uns des autres : ils entrent dans des harmonies réciproque-

    riaux dans leur essence, et plus dignes de nos contemplations et de nos admirations, sont les totalités nombreuses et très variées de tant de chefs-d’œuvre qui en sont le résultat.

    Éloignons de la pensée du lecteur que je glisse là sur une idée métaphysique, et pour cela parlons encore par des exemples. Un quart de siècle s’est écoulé entre les publications des livres d’anatomie comparée de Cuvier et de Meckel : l’intérêt des leçons du premier se soutient ; car elles sont constamment rattachées à de certaines vues d’ensemble que notre grand anatomiste ne manque point de rappeler à propos : ainsi tout intéressait dans son livre, la forme, le fond et la nouveauté des faits. Vingt-cinq ans plus tard, un pareil ouvrage n’a plus que le mérite d’être amplifié, d’être étendu à plus d’observations, et il apparaît décoloré et sans une même importance. Telle est l’anatomie des animaux de Meckel ; l’auteur y annonce la prétention de s’en tenir aux seuls faits observables, et son plan l’amène à ne considérer que des différences toutes réduites à leur seule estimation du poids et de la mesure des matériaux organiques. En acceptant les idées de son temps, il est encore stationnaire ; car il se borne à n’en multiplier que les facettes ; il les étend à plus de considérations, sans les élever à des vues nouvelles et plus savantes ; il passe à des familles rapprochées, traverse des nuances, acquiert de petits effets, et, jeté dans un dédale inextricable, il n’apporte à la mémoire que des élémens vagues et insuffisans. Ce n’est plus un livre logique que son anatomie, et où l’esprit passe de déductions en déductions, ce sont des faits nombreux auxquels il manque la forme d’un pareil ouvrage, la disposition et l’utilité d’un dictionnaire alphabétique. Tant de nouvelles observations ne créent là aucune intelligence pour les choses : car les faits ne sont point acquis les uns en vue des autres. L’on s’applaudit toutefois d’un résultat, parce que l’on possède quelques caractères de plus pour la zoologie, mais c’est pour une zoologie qui elle-même range ses tributaires pour les façonner à une classification quelconque, et non pour les comprendre dans leur existence réciproque. Je le demande à ceux qui ont lu les cinq volumes de Meckel, que savent-ils après cette lecture, qu’y ont-ils appris ?

    Il est donc un autre âge pour l’anatomie comparée, c’est celui de