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D’APRÈS LES ANCIENS.

sont point encore en état de nager, tant qu’il leur paraît nécessaire de les préserver contre l’excès de faiblesse de leur premier âge : neque etiam gestant fœtus infantiâ infirmos. L’un des traducteurs de Pline, le professeur Gueroult, complète ce sens, mais par une addition toute de son invention ; car il interpole, de son chef, ces trois monosyllabes sur le dos.

Solin[1], qui se contente, le plus souvent, de répéter Pline, avait été plus explicite. Delphini teneros in faucibus receptant, avait-il écrit, en se fondant probablement sur quelque variante d’Aristote, qui ne sera pas parvenue jusqu’à nous. Élien et tout le long commentaire de Gille (Gillius), reproduisent la même opinion, et tous deux ne songent, dans cette citation, qu’à établir, en alléguant ce fait, comment et par quel déploiement de tendresse les femelles des dauphins veillent sur leur progéniture. Les petits nagent près de leur mère, rangés à portée de l’œil et de la commissure des lèvres, de façon que, de temps en temps, la mère, les croyant exténués de fatigue, les prend et les place dans son vaste gosier, ample domicile que les auteurs cités plus haut qualifient de vraiment maternel, os maternum.

S’il en est ainsi, voilà donc la cavité buccale transformée en une caverne, en un lieu de refuge, en une sorte de

  1. Solin, en traitant du fait des jeunes cétacés retirés en dedans de leurs mères, n’a point cité la source où il avait puisé ce renseignement. Des recherches tardives m’apprennent que c’est dans Philostrate, sophiste et rhéteur à Athènes, et dans le second article d’une vie d’Appolonius de Thyane. L’auteur, pour montrer le degré d’affection des mères pour leurs petits, rapporte « que dans le cas d’un danger imminent de la part d’un ennemi redoutable, Bellua major, elles les retirent en elles-mêmes au fond du gosier (in faucibus), et que c’est en les saisissant par la bouche qu’elles parvenaient à les protéger efficacement. » Philostrate vivait au temps de Septime Sevère. (Note écrite en avril.)