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D’UNE COCODETTE


— Quoi donc encore ?

— Surtout, pas de pantalons.

— Très bien !

— Ni de corset.

— Parfait !

Il était temps qu’elle partît. Je suffoquais.

Je n’avais retardé le rendez-vous de vingt-quatre heures que dans le but de me donner le temps de réfléchir. Je n’étais déjà plus décidée du tout. Mais c’était inutile. La résolution me revint avec la réflexion. Je me jurai à moi-même de me sacrifier. Je me sentais en de telles dispositions, que je crois que je serais morte si quelque événement imprévu m’avait forcée de manquer de parole.

Je passai tout le temps qui me séparait du rendez-vous à m’étourdir. Je fuyais ma pensée. Un homme qui a résolu de se suicider doit se trouver dans une situation morale à peu près semblable à la mienne. J’avais alors déjà lu bien des romans, assisté à la représentation de bien des drames. Jamais je n’avais rencontré nulle part, jamais je n’aurais cru qu’il pût exister une position plus réellement tragique que celle où je me trouvais. Moi, femme honnêtement élevée, de famille honorable, appartenant au monde, à la meilleure société, comme une fille publique, j’allais me vendre… Ce n’était pas pour moi que je consentais à subir cette dégradation ; c’était pour mon mari,