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D’UNE COCODETTE


difficile. Je ne voulais pas qu’entre mon idéal et la réalité, il s’en fallût du plus minime détail. Je croyais rencontrer une femme qui devait faire le bonheur de ma vie parmi ces charmantes filles sur lesquelles il est facile de se livrer aux investigations les plus minutieuses, moyennant une rémunération suffisante. Mais point.

Je ne trouvai que de lointains équivalents. J’étais profondément perplexe, quand un jour, dans un bal, sans même savoir qui vous étiez, je vous vis entrer. Je vous reconnus tout de suite. C’était la fille[1] de mon rêve, et c’était vous. Mais vous, jeune fille, appartenant au monde, bien élevée, bien née. Comment faire pour acquérir la certitude que vous ressembliez de tous points à mon idéal ? Quel moyen employer pour le vérifier ? Il n’y en avait d’autre que celui de vous épouser. Mais si, une fois le mariage conclu, alors que l’examen était permis, facile même, j’allais m’apercevoir qu’il s’en fallait de peu ou de beaucoup, la quantité importait peu, que vous ne fussiez la réalisation de ma chimère ! Je me sentais si malheureux que je voulus en courir la chance, quitte à me faire sauter la cervelle, si, par malheur, je m’étais trompé ! Il est vrai que ce que je connaissais de votre personne, ce que vous en laissiez voir à tout le monde, faisait prévoir les plus dou-

  1. Variante, ligne 12, au lieu de fille ; lire : femme.
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