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Le fleuve a tressailli dans sa couche profonde,
Comme si Leviathan avait fendu son onde,
Comme si des géants essayaient, vains efforts,
D’embarrasser son cours en rapprochant ses bords.
Il bouillonne ! et voilà qu’il brise ses entraves !
Ainsi que les volcans, les fleuves ont leurs laves !
L’eau monte… monte !… On voit, submergé, tour à tour,
Tout ce qui rayonnait de bonheur et d’amour !

Le courant emporté dans le champ qu’il sillonne,
Ainsi que d’une faux gigantesque, moissonne,
Entraînant avec lui, sur ses flots épanchés,
Et les seigles tordus et les épis couchés.

Les coteaux sont atteints ! les forêts dépassées !
Le chêne veut lutter contre les eaux pressées…
Le sapin, dont le cœur prend racine en enfer,
Comme une sentinelle au panache de fer,
Oppose en vain le flanc au vent qui se déchaîne,
L’eau va tout entraîner… le sapin et le chêne !…

« Est-ce assez de malheur, ô lugubre démon ?
« De larmes et de deuil ?
Et l’Ange répond :
« Non ! »

Ce qui se passe alors est effroyable à dire !
Et pour voir ce spectacle horrible, sans maudire,
Sans accuser le Ciel de tant d’adversités,
Il faut avoir au cœur de saintes piétés !…

Le fleuve dont les eaux montent avec l’orage,
A balayé les champs et gagné le village !