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elles aussi se jettent sur le sol, se frappent, se déchirent mutuellement ; leur corps finit par être tout ruisselant de sang. Au bout d’un certain temps, on les entraîne à l’écart. Les sœurs aînées font alors dans la terre du tombeau un trou ou elles déposent les Chimurilia, préalablement mis en pièces. Une fois de plus, les mères tribales se jettent par terre et se tailladent la tête les unes des autres. À ce moment, « les pleurs et les gémissements des femmes qui se tenaient tout autour semblaient les porter au dernier degré de l’excitation. Le sang qui coulait tout le long de leur corps par-dessus la terre de pipe dont il était enduit leur donnait un air de spectres. À la fin, la vieille mère resta seule couchée sur le tombeau, complètement épuisée et gémissant faiblement ». Alors les autres la relevèrent, la débarrassèrent de la terre de pipe dont elle était recouverte ; ce fut la fin de la cérémonie et du deuil[1].

Chez les Warramunga, le rite final présente des caractères assez particuliers. Les effusions de sang ne semblent pas y tenir de place ; mais l’effervescence collective se traduit d’une autre manière.

Chez ce peuple, le corps avant d’être définitivement enterré, est exposé sur une sorte de plate-forme que l’on place dans les branches d’un arbre ; on le laisse s’y décomposer lentement jusqu’à ce qu’il ne reste plus que les os. On les recueille alors, et, à l’exception d’un humérus, on les dépose à l’intérieur d’une fourmilière. L’humérus est enveloppé dans un étui d’écorce que l’on orne de différentes manières. L’étui est apporté au camp au milieu des cris et des gémissements des femmes. Pendant les jours qui suivent, on célèbre une série de cérémonies totémiques qui se rapportent au totem du défunt et à l’histoire mythique des ancêtres dont le clan est descendu. C’est quand toutes

  1. Nat. Tr., p. 508-510. L’autre rite final auquel assistèrent Spencer et Gillen est décrit aux p. 503-508 du même ouvrage. Il ne diffère pas essentiellement de celui que nous venons d’analyser.