Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/571

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tombée par terre, elle prend les cendres dans ses mains et en frotte ses blessures ; puis elle s’égratigne la figure (la seule partie du corps que les bâtons passés au feu n’aient pas touchée). Le sang qui coule vient se mêler aux cendres qui recouvrent ses plaies et, tout en s’égratignant, elle pousse des cris et des lamentations[1] ».

La description que nous donne Howitt des rites du deuil chez les Kurnai ressemble singulièrement aux précédentes. Une fois que le corps a été enveloppé dans des peaux d’opossum et enfermé dans un linceul d’écorce, une hutte est construite où les parents se réunissent. « Là, étendus par terre, ils se lamentent sur leur sort, disant par exemple : « Pourquoi nous as-tu laissés ? » De temps en temps, leur douleur est exaspérée par les gémissements perçants que pousse l’un d’eux : la femme du défunt crie mon mari est mort, ou la mère, mon enfant est mort. Chacun des assistants répète le même cri : les mots seuls changent suivant le lien de parenté qui les unit au mort. Avec des pierres tranchantes ou des tomahawks, ils se frappent et se déchirent jusqu’à ce que leurs têtes et leurs corps ruissellent de sang. Les pleurs et les gémissements continuent toute la nuit »[2].

La tristesse n’est pas le seul sentiment qui s’exprime au cours de ces cérémonies ; une sorte de colère vient généralement s’y mêler. Les parents ont comme un besoin de venger, par un moyen quelconque, la mort survenue. On les voit se précipiter les uns sur les autres et chercher à se blesser mutuellement. Quelquefois l’attaque est réelle ; quelquefois, elle est feinte[3]. Il y a même des cas où des sortes de combats singuliers sont régulièrement organisés. Chez les Kaitish, la chevelure du défunt revient de droit à son

  1. Brough Smyth, I, p. 104.
  2. Howitt, Nat. Tr., p. 459. On trouvera des scènes analogues dans Eyre, op. cit., II, p. 255 n. et p. 347 ; Roth, loc. cit., p. 394, 395, notamment ; Grey, II, p. 320 et suiv.
  3. Brough Smyth, I, p. 104, 112 ; Roth, loc. cit. p. 382.