Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/540

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais il y a des cas où cet aspect de cérémonies est immédiatement apparent.

I

C’est chez les Warramunga qu’on peut le mieux l’observer[1].

Chez ce peuple, chaque clan est censé descendre d’un seul et unique ancêtre qui, né en un endroit déterminé, aurait passé son existence terrestre à parcourir la contrée dans tous les sens. C’est lui qui, au cours de ses voyages, aurait donné au pays la forme qu’il présente actuellement ; c’est lui qui aurait fait les montagnes et les plaines, les trous d’eau et les ruisseaux, etc. En même temps, il semait sur sa route des germes vivants qui se dégageaient de son corps et qui sont devenus, par suite de réincarnations successives, les membres actuels du clan. Or, la cérémonie qui, chez les Warramunga, correspond exactement à l’Intichiuma des Arunta, a pour objet de commémorer et de représenter l’histoire mythique de l’ancêtre. Il n’est question ni d’oblation, ni, sauf dans un cas unique[2], de pratiques mimétiques. Le rite consiste uniquement à rappeler le passé et à le rendre, en quelque sorte, présent au moyen d’une véritable représentation dramatique. Le mot est d’autant plus de circonstance que l’officiant, en ce cas, n’est aucunement considéré comme une incarnation de l’ancêtre qu’il représente ; c’est un acteur qui joue un rôle.

  1. Les Warramunga ne sont pas les seuls où l’Intichiuma présente la forme que nous allons décrire. On l’observe également chez les Tjingilli, les Umbaia, les Wulmala, les Walpari et même chez les Kaitish, bien que le rituel de ces derniers rappelle, par certains côtés, celui des Arunta (North. Tr., p. 291, 309, 311, 317). Si nous prenons les Warramunga comme type, c’est qu’ils ont été mieux étudiés par Spencer et Gillen.
  2. C’est le cas de l’Intichiuma du kakatoès blanc ; v. plus haut, p. 504.