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Mais c’est oublier que les religions les plus primitives ne sont pas les seules qui aient attribué au caractère sacré cette puissance de propagation. Même dans les cultes les plus récents, il existe un ensemble de rites qui reposent sur ce principe. Toute consécration par voie d’onction ou de lustration ne consiste-t-elle pas à transférer dans un objet profane les vertus sanctifiant es d’un objet sacré ? Il est pourtant difficile de voir, dans le catholique éclairé d’aujourd’hui, une sorte de sauvage attardé, qui continue à être trompé par ses associations d’idées, sans que rien, dans la nature des choses, explique et justifie ces manières de penser. C’est, d’ailleurs, très arbitrairement que l’on prête au primitif cette tendance à objectiver aveuglément toutes ses émotions. Dans sa vie courante, dans le détail de ses occupations laïques, il n’impute pas à une chose les propriétés de sa voisine ou réciproquement. S’il est moins amoureux que nous de clarté et de distinction, il s’en faut cependant qu’il y ait en lui je ne sais quelle déplorable aptitude à tout brouiller et à tout confondre. Seule, la pensée religieuse a un penchant marqué pour ces sortes de confusions. C’est donc bien dans la nature spéciale des choses religieuses, et non dans les lois générales de l’intelligence humaine, qu’il faut aller chercher l’origine de ces prédispositions.

Quand une force ou une propriété nous paraît être une partie intégrante, un élément constitutif du sujet en qui elle réside, on ne peut pas se représenter facilement qu’elle s’en détache pour se transporter ailleurs. Un corps se définit par sa masse et sa composition atomique ; aussi ne concevons-nous pas qu’il puisse communiquer, par voie de contact, aucun de ces caractères distinctifs. Mais, au contraire, s’il s’agit d’une force qui a pénétré le corps du dehors, comme rien ne l’y attache, comme elle y est en