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gieux. Ainsi, quand un groupe totémique a prêté ses churinga à un clan étranger, c’est un moment tout à fait solennel que celui où ils sont rapportés et replacés dans l’ertnatulunga : tous ceux qui prennent part à la cérémonie doivent rester à jeun tant qu’elle dure, et elle dure longtemps. La même règle s’observe pendant la célébration des rites[1] dont il sera question au chapitre suivant, ainsi qu’à certains moments de l’initiation[2].

Pour la même raison, toutes les occupations temporelles sont suspendues quand ont lieu les grandes solennités religieuses. Suivant une remarque de Spencer et Gillen[3] que nous avons eu déjà l’occasion de citer, la vie de l’Australien est faite de deux parts très distinctes : l’une est employée à la chasse, à la pêche, à la guerre ; l’autre est consacrée au culte, et ces deux formes d’activité s’excluent et se repoussent mutuellement. C’est sur ce principe que repose l’institution universelle du chômage religieux. Le caractère distinctif des jours de fête, dans toutes les religions connues, c’est l’arrêt du travail, la suspension de la vie publique et privée, en tant qu’elle n’a pas d’objectif[4] religieux. Ce repos n’est pas simplement une sorte de relâche temporaire que les hommes se seraient accordée pour pouvoir se livrer plus librement aux sentiments d’allégresse qu’éveillent généralement les jours fériés ; car il y a des fêtes tristes, consa-

  1. North. Tr., p. 263.
  2. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 171.
  3. Howitt, Nat. Tr., p. 674. Peut-être la défense de parler pendant les grandes solennités religieuses tient-elle, en partie, à la même cause. On parle, et surtout on parle à voix haute dans la vie courante ; donc, dans la vie religieuse, on doit ou se taire ou parler à voix basse. La même considération n’est pas étrangère aux interdictions alimentaires (v..plus haut, p. 181).
  4. North. Tr., p. 33.