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d’interdictions nous paraît de beaucoup préférable. Cependant, le mot de tabou, comme celui de totem, est tellement usité qu’il y aurait un excès de purisme à le prohiber systématiquement ; les inconvénients qu’il présente sont, d’ailleurs, atténués une fois qu’on a pris soin d’en préciser le sens et la portée.

Mais il y a des interdits d’espèces différentes et qu’il importe de distinguer ; car nous n’avons pas à traiter, dans le présent chapitre, de toutes les sortes d’interdits.

Tout d’abord, en dehors de ceux qui relèvent de la religion, il en est qui ressortissent à la magie. Les uns et les autres ont ceci de commun qu’ils édictent des incompatibilités entre certaines choses et prescrivent de séparer les choses ainsi déclarées incompatibles. Mais il y a entre eux de très graves différences. D’abord, les sanctions ne sont pas les mêmes dans les deux cas. Sans doute, comme nous le dirons plus loin, la violation des interdits religieux passe souvent pour déterminer mécaniquement des désordres matériels dont le coupable est censé pâtir et qui sont considérés comme une sanction de son acte. Mais, alors même qu’elle se produit réellement, cette sanction spontanée et automatique ne reste pas la seule ; elle est toujours complétée par une autre qui suppose une intervention humaine. Ou bien une peine proprement dite s’y surajoute, quand elle ne l’anticipe pas, et cette peine est délibérément infligée par les hommes ; ou, tout au moins, il y a blâme, réprobation publique. Alors même que le sacrilège a été comme puni par la maladie ou la mort naturelle de son auteur, il est, de plus, flétri ; il offense l’opinion qui réagit contre lui ; il met celui qui l’a commis en état de faute. Au contraire, l’interdiction magique n’est sanctionnée que par les conséquences matérielles qu’est censé produire, avec une sorte de nécessité physique, l’acte interdit. En désobéissant, on court des