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est reclus dans la forêt[1]. Il est attentif à la manière dont les cérémonies sont célébrées. L’initiation est son culte. Aussi tient-il spécialement la main à ce que ces rites, en particulier, soient exactement observés : quand des fautes ou des négligences sont commises, il les réprime d’une manière terrible[2].

L’autorité de chacun de ces dieux suprêmes n’est, d’ailleurs, pas limitée à une seule tribu ; mais elle est également reconnue par une pluralité de tribus voisines. Bunjil est adoré dans presque tout l’État de Victoria, Baiame dans une portion notable de la Nouvelle-Galles du Sud, etc ; c’est ce qui explique que ces dieux soient en si petit nombre pour une aire géographique relativement étendue. Les cultes dont ils sont l’objet ont donc un caractère international. Il arrive même que ces différentes mythologies se mêlent, se combinent, se font mutuellement des emprunts. Ainsi, la plupart des tribus qui croient en Baiame admettent aussi l’existence de Daramulun ; seulement elles lui accordent une moindre dignité. Elles en font un fils ou un frère de Baiame, subordonné à ce dernier. La foi en Daramulun se trouve ainsi répandue, sous des formes diverses, dans toute la Nouvelle-Galles du Sud. Il s’en faut donc que l’internationalisme religieux soit une particularité des religions les plus récentes et les plus avancées. Dès le début de l’histoire, les croyances religieuses manifestent une tendance à ne pas se renfermer dans une société politique étroitement délimitée ; il y a en elles comme une aptitude naturelle à passer par-dessus les frontières, à se diffuser, à s’internationaliser. Sans doute, il y a eu des peuples et des temps où cette aptitude spon-

  1. Howitt, ibid., p. 493 ; L. Parker, The Euahlayi, p. 76. 2. L. Parker, The Euahlayi, p. 76 ; Howitt, Nat. Tr., p. 493, 612.
  2. Ridley, Kamilaroi, p. 153 ; L. Parker, The Euahlayi, p. 67 ; Howitt, Nat. Tr., p. 585 ; Mathews, loc. cit., p. 343. Par opposition à Baiame, Daramulun est parfois présenté comme un esprit foncièrement malveillant (L. Parker, loc. cit. ; Ridley, in Brough Smyth, II, p. 285).