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Ngurrunderi[1]. Chez les Dieri, il est assez vraisemblable que, par-dessus les Mura-mura ou ancêtres ordinaires, il en existe un qui jouit d’une sorte de suprématie[2]. Enfin, contrairement aux affirmations de Spencer et Gillen qui déclaraient n’avoir observé chez les Arunta aucune croyance à une divinité proprement dite[3], Strehlow assure que, sous le nom d’Altjira, ce peuple, comme celui des Loritja, reconnaît un véritable « bon dieu »[4].

Les caractères essentiels de ce personnage sont partout les mêmes. C’est un être immortel, et même éternel ; car il ne dérive d’aucun autre. Après avoir habité la Terre pendant un temps, il s’éleva au ciel où il y fut enlevé[5], et il continue à y vivre entouré de sa famille ; car on lui attribue généralement une ou plusieurs femmes, des enfants, des frères[6] qui, parfois, l’assistent dans ses fonctions. En raison

  1. Taplin, p. 55 ; Eylmann, p. 182.
  2. C’est sans doute à ce Mura-mura suprême que Gason fait allusion dans le passage déjà cité (Curr, II, p. 55).
  3. Nat. Tr., p. 246.
  4. Entre Baiame, Bunjil, Daramulun, d’une part, et Altjira, de l’autre, il y aurait cette différence que ce dernier serait tout à fait étranger à ce qui concerne l’humanité ; ce n’est pas lui qui aurait fait les hommes et il ne s’occuperait pas de ce qu’ils font. Les Arunta fautaient pour lui ni amour ni crainte. Mais, si cette conception a été exactement observée et analysée, il est bien difficile d’admettre qu’elle soit primitive ; car si Altjira ne joue aucun rôle, n’explique rien, ne sert à rien, qu’est-ce qui aurait pu déterminer les Arunta à l’imaginer ? Peut-être faut-il y voir une sorte de Baiame qui aurait perdu son ancien prestige, un ancien dieu dont le souvenir irait en s’effaçant. Peut-être aussi Strehlow a-t-il mal interprété les témoignages qu’il a recueillis. Suivant Eylmann, qui n’est pas, il est vrai, un observateur compétent ni très sûr, Altjira aurait fait les hommes (op. cit., p. 184). D’ailleurs, chez les Loritja, le personnage qui, sous le nom de Tukura, correspond à l’Altjira des Arunta, est censé célébrer lui-même des cérémonies d’initiation.
  5. Pour Bunjil, v. Brough Smyth, I, p. 417 ; pour Baiame, Ridley, Kamilaroi, p. 136 ; pour Daramulun, Howitt, Nat. Tr., p. 495.
  6. Sur la composition de la famille de Bunjil, par exemple, v. Howitt, Nat. Tr., p. 128, 129, 489, 491 ; Brough Smyth, I, p. 417, 423 ; pour celle de Baiame, L. Parker, The Euahlayi, p. 7, 66, 103 ; Howitt, Nat. Tr., p. 407, 502, 585 ; pour celle de Nurunderi, Taplin, The Narrinyeri, p. 57-58. Bien entendu, d’ailleurs, il y a toute sorte de variantes dans la manière dont sont conçues ces familles des grands dieux. Tel personnage qui est ici le frère est ailleurs appelé le fils. Le nombre des femmes, leurs noms varient avec les régions.