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rieurs et inférieurs, entre patrons et clients, entre bienfaiteurs et assistés. C’est ainsi que prit naissance cette curieuse notion du génie tutélaire, attaché à chaque individu.

La question de savoir comment l’ancêtre fut mis en rapports non seulement avec les hommes, mais aussi avec les choses, peut paraître plus embarrassante ; car on ne voit pas, au premier abord, quelle relation il peut y avoir entre un personnage de ce genre et un arbre ou un rocher. Mais un renseignement que nous devons à Strehlow nous fournit de ce problème une solution pour le moins vraisemblable.

Ces arbres et ces rochers ne sont pas situés sur des points quelconques du territoire tribal, mais ils sont principalement massés autour de ces sanctuaires, appelés ertnatulunga d’après Spencer et Gillen, arkuanaua d’après Strehlow, où sont déposés les churinga du clan[1]. On sait de quel respect ces endroits sont entourés par cela seul que les plus précieux instruments du culte y sont conservés. Aussi chacun d’eux rayonne-t-il de la sainteté tout autour de lui. C’est pour cette raison que les arbres, les rochers voisins apparaissent comme sacrés, qu’il est interdit de les détruire ou de les détériorer, que toute violence exercée sur eux est sacrilège. Ce caractère sacré est dû, en réalité, à un simple phénomène de contagion psychique mais l’indigène, pour s’en rendre compte, est obligé d’admettre que ces différents objets sont en rapports avec les êtres dans lesquels il voit la source de tout pouvoir religieux, c’est-à-dire avec les ancêtres de l’Alcheringa. De là vint le système de mythes que nous avons rapporté. On imagina que chaque ertnatulunga marquait le lieu où un groupe d’ancêtres s’était abîmé sous terre. Les tumulus, les arbres qui recouvraient le sol furent censés représenter leurs corps. Mais, comme l’âme, d’une manière générale,

  1. Strehlow, I, p. 5.