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qu’est venue la doctrine, si répandue, de la métempsycose. Nous avons vu combien Tylor est embarrassé pour en rendre compte[1]. Si l’âme est un principe essentiellement humain, quoi de plus singulier, en effet, que cette prédilection marquée qu’elle manifeste, dans un si grand nombre de sociétés, pour la forme animale ? Tout s’explique, au contraire, si, par sa constitution même, l’âme est proche parente de l’animal : car alors, en revenant, après la vie, au monde de l’animalité, elle ne fait que retourner à sa véritable nature. Ainsi, la généralité de la croyance à la métempsycose est une nouvelle preuve que les éléments constitutifs de l’idée d’âme ont été principalement empruntés au règne animal, comme le suppose la théorie que nous venons d’exposer.

IV

Ainsi la notion d’âme est une application particulière des croyances relatives aux êtres sacrés. Par là se trouve expliqué le caractère religieux que cette idée a présenté dès qu’elle est apparue dans l’histoire et qu’elle conserve encore aujourd’hui. L’âme, en effet, a toujours été considérée comme une chose sacrée ; à ce titre, elle s’oppose au corps qui, par lui-même, est profane. Elle ne se distingue pas seulement de son enveloppe matérielle comme le dedans du dehors ; on ne se la représente pas simplement comme faite d’une matière plus subtile, plus fluide ; mais, de plus, elle inspire quelque chose de ces sentiments qui sont partout réservés à ce qui est divin. Si l’on n’en fait pas un dieu, on y voit du moins une étincelle de la divinité.

  1. V. plus haut, p. 242. Sur la généralité de la croyance à la métempsycose, v. Tylor, II, p. 8 et suiv.