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enfants sont d’un autre clan que leur père, tout en vivant auprès de ce dernier. Pour toutes ces raisons, on trouve à l’intérieur d’une même famille et, plus encore, à l’intérieur d’une même localité, des représentants de toute sorte de clans différents. L’unité du groupe n’est donc sensible que grâce au nom collectif que portent tous ses membres et l’emblème, également collectif, qui reproduit la chose désignée par ce nom. Un clan est essentiellement une réunion d’individus qui portent un même nom et qui se rallient autour d’un même signe. Enlevez le nom et le signe qui le matérialise, et le clan n’est même plus représentable. Puisqu’il n’était possible qu’à cette condition, on s’explique et l’institution de l’emblème et la place prise par cet emblème dans la vie du groupe.


Il reste à chercher pourquoi ces noms et ces emblèmes furent empruntés, d’une manière presque exclusive, au règne animal et au règne végétal, mais surtout au premier.

Il nous paraît vraisemblable que l’emblème a joué un rôle plus important que le nom. En tout cas, le signe écrit tient encore aujourd’hui dans la vie du clan une place plus centrale que le signe parlé. Or, la matière de l’image emblématique ne pouvait être demandée qu’à une chose susceptible d’être figurée par un dessin. D’un autre côté, il fallait que ces choses fussent de celles avec lesquelles les hommes du clan étaient le plus immédiatement et le plus habituellement en rapports. Les animaux remplissaient au plus haut degré cette condition. Pour ces peuplades de chasseurs et de pêcheurs, l’animal constituait, en effet, l’élément essentiel du milieu économique. Sous ce rapport, les plantes ne venaient qu’ensuite ; car elles ne peuvent tenir qu’une place secondaire dans l’alimentation