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On trouve la même idée chez les Shoshone sous le nom de pokunt, chez les Algonkins sous le nom de manitou[1], de nauala chez les Kwakiutl[2], de yak chez les Tlinkit[3] et de sgâna chez les Haida[4]. Mais elle n’est pas particulière aux Indiens de l’Amérique ; c’est en Mélanésie qu’elle a été étudiée pour la première fois. Il est vrai que, dans certaines îles mélanésiennes, l’organisation sociale n’est plus actuellement à base totémique ; mais dans toutes le totémisme est encore visible[5], quoi qu’en ait dit Codrington. Or, on trouve chez ces peuples, sous le nom de mana, une notion qui est l’équivalent exact du wakan des Sioux et de l’orenda iroquois. Voici la définition qu’en donne Codrington : « Les Mélanésiens croient à l’existence d’une force absolument distincte de toute force matérielle, qui agit de toutes sortes de façons, soit pour le bien soit pour le mal, et que l’homme a le plus grand avantage à mettre sous sa main et à dominer. C’est le mana. Je crois comprendre le sens que ce mot a pour les indigènes… C’est une force, une influence d’ordre immatériel et, en un certain sens, surnaturel ; mais c’est par la force physique qu’elle se révèle, ou bien par toute espèce de pouvoir et de supériorité que l’homme possède. Le mana n’est point fixé sur un objet déterminé ; il peut être amené sur toute espèce de choses… Toute la religion du Mélanésien consiste à se procurer du mana soit pour

  1. Tesa, Studi dei Thavenet, p. 17.
  2. Boas, The Kwakiutl, p. 695.
  3. Swanton, Social Condition, Beliefs a. Linguistic Relationship of the Tlingit Indians, XXVIIh Rep., 1905, p. 451, n. 3.
  4. Swanton, Contributions to the Ethnology of the Haida, p. 14. Cf. Social Condition, etc., p. 479.
  5. Dans certaines sociétés mélanésiennes (Îles Banks, Nouvelles Hébrides du Nord), on retrouve les deux phratries exogamiques qui caractérisent l’organisation australienne (Codrington, The Melanesians, p. 23 et suiv.). À Florida, il existe, sous le nom de bulose de véritables totems (ibid., p. 31). On trouvera une intéressante discussion sur ce point dans A. Lang, Social Origins, p. 176 et suiv. Cf. sur le même sujet, et dans le même sens, W. H. R. Rivers, Totemism in Polynesia and Melanesia, in J.A.I., XXXIX, p. 156 et suiv.