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par la part et l’intérêt que chacun d’eux prend aux rites de l’autre. Les deux cultes ne sont encore qu’imparfaitement séparés ; c’est, très probablement, qu’ils ont commencé par être complètement confondus[1]. La tradition explique le lien qui les unit en imaginant qu’autrefois les deux clans occupaient des habitats tout voisins[2]. Dans d’autres cas, le mythe dit même expressément que l’un d’eux est dérivé de l’autre. On raconte que l’animal associé a commencé par appartenir à l’espèce qui sert encore de totem principal ; il ne s’en serait différencié qu’à une époque ultérieure. Ainsi, les oiseaux chantunga, qui sont associés aujourd’hui à la chenille witchetty, auraient été, aux temps fabuleux, des chenilles witchetty qui se seraient ensuite transformées en oiseaux. Deux espèces qui sont rattachées actuellement au totem de la fourmi à miel auraient été primitivement des fourmis à miel, etc.[3]. Cette transformation d’un sous-totem en totem se fait, d’ailleurs, par degrés insensibles, si bien que, dans certains cas, la situation est indécise et il est très malaisé de dire si l’on a affaire à un totem principal ou à, un totem secondaire[4]. Il y a, comme dit Howitt à propos des Wotjobaluk, des sous-totems qui sont des totems en voie de formation[5]. Ainsi, les différentes choses qui sont classées dans un clan constituent comme autant de centres autour desquels peuvent se former de nouveaux cultes totémiques. C’est la meilleure preuve des sentiments religieux qu’elles inspirent. Si elles n’avaient pas un caractère sacré, elles ne pourraient pas être promues

  1. Spencer et Gillen, North. Tr., p. 182 ; Nat. Tr., p. 151 et 297.
  2. Nat. Tr., p. 151 et 158.
  3. Ibid., p. 447-449.
  4. C’est ainsi que Spencer et Gillen nous parlent du pigeon appelé Inturita tantôt comme d’un totem principal (Nat. Tr., p. 410), tantôt comme d’un totem associé (ibid., p. 448).
  5. Howitt, Further notes, p. 63-64.