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comme disent les Buandik[1]. En raison de cette parenté, l’homme voit dans les animaux de l’espèce totémique de bienfaisants associés sur l’assistance desquels il croit pouvoir compter. Il les appelle à son aide[2] et ils viennent guider ses coups à la chasse, l’avertir des dangers qu’il peut courir[3]. En échange, il les traite avec égards, il ne les brutalise pas[4] ; mais les soins qu’il leur rend ne ressemblent aucunement à un culte.

L’homme paraît même parfois avoir sur son totem une sorte de droit mystique de propriété. L’interdiction de le tuer et de le manger ne s’applique naturellement qu’aux membres du clan ; elle ne pourrait s’étendre aux personnes étrangères sans rendre la vie matériellement impossible. Si, dans une tribu comme celle des Arunta, où il y a une multitude de totems différents, il était interdit de manger non seulement de l’animal ou de la plante dont on porte le nom, mais encore de tous les animaux et de toutes les plantes qui servent de totems aux autres clans, les ressources alimentaires seraient réduites à rien. Il y a cependant des tribus où la consommation de la plante ou de l’animal totémique n’est pas permise sans restrictions, même à l’étranger. Chez les Wakelbura, elle ne doit pas avoir lieu en présence des gens du totem[5]. Ailleurs, il faut leur permission. Par exemple, chez les Kaitish et les Unmatjera, quand un homme du totem de l’Émou, se trouvant dans une localité occupée par un clan de la

  1. Howitt, ibid.
  2. Sur la rivière Tully, dit Roth (Superstition, Magic and Medicine, in North Queensland Ethnography, n° 5, § 74), quand un indigène va dormir ou se lève le matin, il prononce à voix plus ou moins basse le nom de l’animal d’après lequel il est lui-même nommé. Le but de cette pratique est de rendre l’homme habile ou heureux à la chasse ou de prévenir les dangers auxquels il peut être exposé de la part de cet animal. Par exemple, un homme qui a pour totem une espèce de serpent est à l’abri des morsures si cette invocation a été régulièrement faite.
  3. Taplin, Narrinyeri, p. 64 ; Howitt, Nat. Tr., p. 147 ; Roth, loc. cit.
  4. Strehlow, II, p. 58.
  5. Howitt, p. 148.