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leurs, par la nature religieuse du sang que s’explique le rôle, également religieux, de l’ocre rouge qui, lui aussi, est d’un emploi très fréquent dans les cérémonies ; on en frotte les churinga ; on s’en sert dans les décorations rituelles[1]. C’est que, à cause de sa couleur, il est considéré comme une substance parente du sang. Même plusieurs dépôts d’ocre rouge que l’on trouve sur différents points du territoire Arunta passent pour du sang coagulé que certaines héroïnes de l’époque mythique auraient laissé s’écouler sur le sol[2].

La chevelure a des propriétés analogues. Les indigènes du centre portent des ceintures, faites de cheveux humains, dont nous avons déjà signalé les fonctions religieuses : elles servent de bandelettes pour envelopper certains objets du culte[3]. Un homme a-t-il prêté à un autre un de ses churinga ? En témoignage de reconnaissance, le second fait au premier un présent de cheveux ; ces deux sortes de choses sont donc considérées comme de même ordre et de valeur équivalente[4]. Aussi l’opération de la coupe des cheveux est-elle un acte rituel qui s’accompagne de cérémonies déterminées : l’individu qui la subit doit se tenir accroupi par terre, la face tournée dans la direction de l’endroit ou sont censés avoir campé les ancêtres fabuleux de qui le clan de sa mère passe pour être descendu[5].

Pour la même raison, aussitôt qu’un homme est mort, on lui coupe les cheveux, on les dépose dans un endroit écarté, car ni les femmes ni les non-initiés n’ont le droit de les voir ; et c’est là, loin des yeux profanes, que l’on procède à la confection des ceintures[6]

  1. Ibid., p. 144, 568.
  2. Nat. Tr., p. 442, 464. Le mythe est, d’ailleurs, général en Australie.
  3. Ibid., p. 627.
  4. Ibid., p. 466.
  5. Ibid. Si toutes ces formalités ne sont pas rigoureusement observées, on croit qu’il en résultera pour l’individu de graves calamités.
  6. Nat. Tr., p. 358 ; North. Tr., p. 604.