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pénètrent pas ; par suite, le cercle des totems que peut porter un individu est prédéterminé par la phratrie à laquelle il appartient. Autrement dit, le totem de la phratrie est comme un genre dont les totems des clans sont des espèces. Nous verrons plus loin que ce rapprochement n’est pas purement métaphorique.


Outre les phratries et les clans, on trouve souvent dans les sociétés australiennes un autre groupe secondaire qui n’est pas sans avoir une certaine individualité : ce sont les classes matrimoniales.

On appelle de ce nom des subdivisions de la phratrie qui sont en nombre variable suivant les tribus : on en trouve tantôt deux et tantôt quatre par phratrie[1]. Leur recrutement et leur fonctionnement sont réglés par les deux principes suivants. 1° Dans chaque phratrie, chaque génération appartient à une autre classe que la génération immédiatement précédente. Quand donc il n’y a que deux classes par phratrie, elles alternent nécessairement l’une avec l’autre à chaque génération. Les enfants sont de la classe dont leurs parents ne font pas partie ; mais les petits-enfants sont de la même que leurs grands-parents. Ainsi, chez les Kamilaroi la phratrie Kupathin comprend deux classes, Ippai et Kumbe ; la phratrie Dilbi, deux autres qui s’appellent Murri et Kubbi. Comme la filiation se fait en ligne utérine, l’enfant est de la phratrie de sa mère ; si elle est une Kupathin, il sera lui-même un Kupathin. Mais si elle est de la classe Ippai, il sera un Kumbe ; puis ses enfants, s’il est une fille, compteront de nouveau dans la classe Ippai. De même, les enfants des femmes de la classe Murri seront de la classe Kubbi, et les enfants des femmes de Kubbi seront des Murri de nouveau. Quand il y a quatre

  1. V, sur cette question des classes australiennes en général notre mémoire sur La prohibition de l’inceste, in Année sociol., I, p. 9 et suiv., et plus spécialement sur les tribus à huit classes. L’organisation matrimoniale des sociétés australiennes, in Année sociol., VIII, p. 118~147.