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n’existe pas, en Australie, de tribu où le nombre des phratries soit supérieur à deux.

Or, dans presque tous les cas ou les phratries portent un nom dont le sens a pu être établi, ce nom se trouve être celui d’un animal ; c’est donc, semble-t-il, un totem. C’est ce qu’a bien démontré A. Lang dans un récent ouvrage[1]. Ainsi, chez les Gournditch-Mara (Victoria), les phratries s’appellent l’une Krokitch et l’autre Kaputch ; le premier de ces mots signifie kakatoès blanc, le second, kakatoès noir[2]. Les mêmes expressions se retrouvent, eu totalité ou en partie, chez les Buandik et les Wotjobaluk[3]. Chez les Wurun-Jerri, les noms employés sont ceux de Bunfil et de Waang qui veulent dire aigle-faucon et corbeau[4] . Les mots de Mukwara et de Kilpara sont usités pour le même objet dans un grand nombre de tribus de la Nouvelle-Galles du Sud[5] ; ils désignent les mêmes animaux[6]. C’est également l’aigle-faucon et le corbeau qui ont donné leurs noms aux deux phratries des Ngarige, des Wolgal[7]. Chez les Kuinmurbura, c’est le kakatoès blanc et le corbeau[8]. On pourrait citer d’autres exemples. On en vient ainsi à voir dans la phratrie un ancien clan qui se serait démembré ; les clans actuels seraient le produit de ce démembrement, et la solidarité qui les unit, un souvenir de leur primitive unité[9]. Il est vrai que, dans certaines tribus, les phratries n’ont

  1. The secret of the Totem, p. 159 et suiv. Cf. FISON et Howitt, Kamilaroi and Kurnai, p. 40 et 41 ; John Mathew, Eaglehawk and Crow ; Thomas, Kinship and Marriage in Australia, p. 52 et suiv.
  2. Howitt, Nat. Tr., p. 124.
  3. Howitt, op. cit., p. 121, 123, 124. Curr, III, p. 461.
  4. Howitt, p. 126.
  5. Howitt, p. 98 et suiv.
  6. Curr, II, p. 165 ; Brough Smith, I, p. 423 ; Howitt, op. cit., p. 429.
  7. Howitt, p. 101, 102.
  8. J. Mathew, The Representative Tribes of Queensland, p. 139.
  9. On pourrait, à l’appui de cette hypothèse, donner d’autres raisons ; mais il faudrait faire intervenir des considérations relatives à l’organisation familiale, et nous tenons à séparer les deux études. La question, d’ailleurs, n’intéresse que secondairement notre sujet.