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Enfin, une troisième combinaison est celle que l’on observe chez les Arunta et les Loritja. Ici, le totem de l’enfant n’est nécessairement ni celui de sa mère ni celui de son père ; c’est celui de l’ancêtre mythique qui, par des procédés que les observateurs nous rapportent de manières différentes[1], est venu féconder mystiquement la mère au moment de la conception. Une technique déterminée permet de reconnaître quel est cet ancêtre et à quel groupe totémique il appartient[2]. Mais, comme c’est le hasard qui fait que tel ancêtre s’est trouvé à proximité de la mère plutôt que tel autre, le totem de l’enfant se trouve finalement dépendre de circonstances fortuites[3].


En dehors et au-dessus des totems de clans, il y a les totems de phratries qui, sans différer en nature des premiers, demandent pourtant à en être distingués.

On appelle phratrie un groupe de clans qui sont unis entre eux par des liens particuliers de fraternité. Normalement, une tribu australienne est divisée en deux phratries entre lesquelles sont répartis les différents clans. Il y a, sans doute, des sociétés ou cette organisation a disparu ; mais tout fait croire qu’elle a été générale. En tout cas, il

  1. Suivant Spencer et Gillen (Nat. Tr., p. 123 et suiv.), l’âme de l’ancêtre se réincarnerait dans le corps de la mère et deviendrait l’âme de l’enfant ; suivant Strehlow (II, p. 51 et suiv.) la conception, tout en étant l’œuvre de l’ancêtre, n’impliquerait pas une réincarnation ; mais, dans l’une et l’autre interprétation, le totem propre de l’enfant ne dépend pas nécessairement de celui de ses parents.
  2. Nat. Tr., p. 133 ; Strehlow, II, p. 53.
  3. C’est, en grande partie, la localité où la mère croit avoir conçu qui détermine le totem de l’enfant. Chaque totem, comme nous le verrons, a son centre, et les ancêtres fréquentent de préférence les endroits qui servent de centres à leurs totems respectifs. Le totem de l’enfant est donc celui auquel ressortit la localité où la mère croit avoir conçu. D’ailleurs, comme celle-ci doit se trouver plus souvent dans le voisinage de l’endroit qui sert de centre totémique à son mari, l’enfant doit être le plus généralement du même totem que le père. C’est ce qui explique, sans doute, comment, dans chaque localité, la majeure partie des habitants appartiennent au même totem (Nat. Tr., p. 9).