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Les objets qui servent de totems appartiennent, dans la très grande généralité des cas, soit au règne végétal soit au règne animal, mais principalement à ce dernier. Quant aux choses inanimées, elles sont beaucoup plus rarement employées. Sur plus de 500 noms totémiques relevés par Howitt parmi les tribus du sud-est australien, il n’y en a guère qu’une quarantaine qui ne soient pas des noms de plantes ou d’animaux : ce sont les nuages, la pluie, la grêle, la gelée, la lune, le soleil, le vent, l’automne, l’été, l’hiver, certaines étoiles, le tonnerre, le feu, la fumée, l’eau, l’ocre rouge, la mer. On remarquera la place très restreinte faite aux corps célestes et même, plus généralement, aux grands phénomènes cosmiques qui, pourtant, étaient destinés à une si grande fortune dans la suite du développement religieux. Parmi tous les clans dont nous parle Howitt, il n’y en a que deux qui aient pour totem la Lune[1], deux le Soleil[2], trois une étoile[3], trois le tonnerre[4], deux les éclairs[5]. La pluie seule fait exception ; elle est, au contraire, très fréquente[6].

Tels sont les totems que l’on pourrait appeler normaux. Mais le totémisme a ses anomalies. Ainsi, il arrive que le totem est, non pas un objet tout entier, mais une partie

  1. Les Wotjobaluk (p. 121) et les Buandik (p. 123).
  2. Les mêmes.
  3. Les Wolgal (p. 102), les Wotjobaluk et les Buandik.
  4. Les Muruburra (p. 177), les Wotjobaluk et les Buandik.
  5. Les Buandik et les Kaiabara (p. 116). On remarquera que tous ces exemples sont empruntés à cinq tribus seulement.
  6. De même, sur 204 sortes de totems, relevées par Spencer et Gillen dans un grand nombre de tribus, 188 sont des animaux ou des plantes. Les objets inanimés sont le boomerang, l’eau froide, l’obscurité, le feu, l’éclair, la Lune, l’ocre rouge, la résine, l’eau salée, l’étoile du soir, la pierre, le Soleil, l’eau, le tourbillon, le vent, les grêlons (North. Tr., p. 773. Cf. Frazer, Totemism and Exogamy, I, p. 253-254).