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les suivre à travers tous les développements, parfois si touffus, que leur a donnés, dès ces sociétés, l’imagination mythologique. Certes, nous nous servirons des mythes quand ils pourront nous aider à mieux comprendre ces notions fondamentales, mais sans faire de la mythologie elle-même l’objet de notre étude. D’ailleurs, en tant qu’elle est une œuvre d’art, elle ne ressortit pas à la seule science des religions. De plus, les processus mentaux dont elle résulte sont d’une trop grande complexité pour qu’ils puissent être étudiés indirectement et de biais. C’est un difficile problème qui demande à être traité en lui-même, pour lui-même et d’après une méthode qui lui soit spéciale.

Mais, parmi les croyances sur lesquelles repose la religion totémique, les plus importantes sont naturellement celles qui concernent le totem ; c’est donc par elles qu’il nous faut commencer.

I

À la base de la plupart des tribus australiennes, nous trouvons un groupe qui tient dans la vie collective une place prépondérante : c’est le clan. Deux traits essentiels le caractérisent.

En premier lieu, les individus qui le composent se considèrent comme unis par un lien de parenté, mais qui est d’une nature très spéciale. Cette parenté ne vient pas de ce qu’ils soutiennent les uns avec les autres des relations définies de consanguinité ; ils sont parents par cela seul qu’ils portent un même nom. Ils ne sont pas pères, mères, fils ou filles, oncles ou neveux les uns des autres au sens que nous donnons actuellement à ces expressions ; et cependant ils se regardent comme formant une même famille, ou large ou étroite suivant les dimensions du clan, par cela seul qu’ils sont collectivement désignés par le même mot. Et si nous disons qu’ils se regardent comme d’une même