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pas de sociétés qui présentent ce caractère à un plus haut degré que les tribus australiennes. Non seulement leur technique est très rudimentaire, — la maison et même la hutte y sont encore ignorées — mais leur organisation est la plus primitive et la plus simple qui soit connue ; c’est celle que nous avons appelée ailleurs[1] organisation à base de clans. Nous aurons, dès le prochain chapitre, l’occasion d’en rappeler les traits essentiels.


Cependant, tout en faisant de l’Australie l’objet principal de notre recherche, nous croyons utile de ne pas faire complètement abstraction des sociétés ou le totémisme a été découvert pour la première fois, c’est-à-dire des tribus indiennes de l’Amérique du Nord.

Cette extension du champ de la comparaison n’a rien qui ne soit légitime. Sans doute, ces peuples sont plus avancés que ceux d’Australie. La technique y est devenue beaucoup plus savante : les hommes y vivent dans des maisons ou sous des tentes ; il y a même des villages fortifiés. Le volume de la société est beaucoup plus considérable et la centralisation, qui fait complètement défaut en Australie, commence à y apparaître ; on y voit de vastes confédérations, comme celle des Iroquois, soumises à une autorité centrale. Parfois, on trouve un système compliqué de classes différenciées et hiérarchisées. Cependant, les lignes essentielles de la structure sociale y restent ce qu’elles sont en Australie ; c’est toujours l’organisation à base de clans. Nous sommes donc en présence, non de deux types différents, mais de deux variétés d’un même type, et qui sont même assez proches l’une de l’autre. Ce sont deux moments successifs d’une même évolution ; l’homogénéité est, par suite, assez grande pour permettre les rapprochements.

D’autre part, ces rapprochements peuvent avoir leur

  1. Division du travail social, 3° éd., p. 150 (Paris, F. Alcan).