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célèbre[1], signala l’existence de pratiques tout à fait similaires en Australie. On commença dès lors à se rendre compte qu’on se trouvait en présence d’un système d’une certaine généralité.

Mais on n’y voyait guère qu’une institution essentiellement archaïque, une curiosité ethnographique sans grand intérêt pour l’historien. Mac Lennan fut le premier qui ait entrepris de rattacher le totémisme à l’histoire générale de l’humanité. Dans une série d’articles, parus dans la Fortnightly Review[2], il s’efforça de montrer, non seulement que le totémisme était une religion, mais que de cette religion étaient dérivées une multitude de croyances et de pratiques que l’on retrouve dans des systèmes religieux beaucoup plus avancés. Il alla même jusqu’à en faire la source de tous les cultes idolâtriques et phytolâtriques que l’on peut observer chez les peuples anciens. Assurément, cette extension du totémisme était abusive. Le culte des animaux et des plantes dépend de causes multiples que l’on ne peut sans simplisme, réduire à l’unité. Mais ce simplisme, par ses exagérations mêmes, avait, du moins, l’avantage de mettre en évidence l’importance historique du totémisme.

D’un autre côté les américanistes s’étaient aperçus depuis longtemps que le totémisme était solidaire d’une organisation sociale déterminée : c’est celle qui a pour base la division de la société en clans[3]. En 1877, dans son Ancient Society[4], Lewis H. Morgan entreprit d’en faire l’étude,

  1. Journals of two Expeditions in North-West and Western Australia, II, p. 228.
  2. The Warship of Animals and Plants. Totems and Totemism (1869, 1870).
  3. L’idée se trouve déjà exprimée très nettement dans une étude de Gallatin intitulée Synopsis of the Indian Tribes (Archaeologia Americana, II, p. 109 et suiv.), et dans une circulaire de Morgan, reproduite dans le Cambrian Journal, 1860, p. 149.
  4. Ce travail avait, d’ailleurs, été précédé et préparé par deux autres ouvrages du même auteur : The League of the Iroquois, 1851 et Systems of Consanguinity and Affinity of the Human Family, 1871.