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ÉDOUARD.

norées. Je me rappelle jusqu’au moindre détail de cette première visite ; plus tard, tout est confondu dans un seul souvenir ; mais alors j’examinai avec une vive curiosité ce qui avait fait si souvent le sujet des conversations de mon père et cette société dont il m’avait parlé tant de fois. Il n’y avait que cinq ou six personnes dans le salon lorsque nous arrivâmes. M. le maréchal d’Olonne causait debout auprès de la cheminée ; il vint au-devant de mon père et lui prit les mains : « Mon ami, lui dit-il, mon excellent ami ! enfin vous voilà ! Vous m’amenez Édouard. Savez-vous, Édouard, que vous venez chez l’homme qui aime le mieux votre père, qui honore le plus ses vertus et qui lui doit une reconnaissance éternelle ? Je répondis qu’on m’avait accoutumé de bonne heure aux bontés de M. le maréchal. Vous a-t-on dit que je devais vous servir de père, si vous n’eussiez pas conservé le vôtre ? — Je n’ai pas eu besoin de ce malheur pour sentir la reconnaissance, » répondis-je. Il prit occasion de ce peu de mots pour faire mon éloge. « Qu’il est bien ! dit-il ; qu’il est beau ! qu’il a l’air modeste et spirituel  ! » Il savait qu’en me louant ainsi il réjouissait le cœur de mon père. On reprit la conversation. J’entendis nommer les personnes qui m’entouraient ; c’étaient les hommes les plus distingués dans les sciences et dans les lettres et un Anglais, membre fameux de l’opposition. On parlait, je m’en