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OURIKA.

côté, j’apprenais, pour plaire à madame de B., tout ce qui devait former une éducation parfaite. Elle voulut que j’eusse tous les talents : j’avais de la voix, les maîtres les plus habiles l’exercèrent ; j’avais le goût de la peinture, et un peintre célèbre, ami de madame de B., se chargea de diriger mes efforts ; j’appris l’anglais, l’italien, et madame de B. elle-même s’occupait de mes lectures. Elle guidait mon esprit, formait mon jugement ; en causant avec elle, en découvrant tous les trésors de son âme, je sentais la mienne s’élever, et c’était l’admiration qui m’ouvrait les voies de l’intelligence. Hélas ! je ne prévoyais pas que ces douces études seraient suivies de jours si amers : je ne pensais qu’à plaire à madame de B., un sourire d’approbation sur ses lèvres était tout mon avenir. Cependant des lectures multipliées, celle des poëtes surtout, commençaient à occuper ma jeune imagination ; mais, sans but, sans projet, je promenais au hasard mes pensées errantes, et, avec la confiance de mon jeune âge, je me disais que madame de B. saurait bien me rendre heureuse : sa tendresse pour moi, la vie que je menais, tout prolongeait mon erreur et autorisait mon aveuglement. Je vais vous donner un exemple des soins et des préférences dont j’étais l’objet. Vous aurez peut-être de la peine à croire, en me voyant aujourd’hui, que j’ai été citée pour l’élégance et