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OURIKA.

que je ne le pourrai plus. » Je la rassurai, je lui donnai des espérances de guérison prochaine ; mais en prononçant ces paroles consolantes, en lui promettant la vie, je ne sais quel triste pressentiment m’avertissait qu’il était trop tard et que la mort avait marqué sa victime. Je revis plusieurs fois cette jeune religieuse ; l’intérêt que je lui montrais parut la toucher. Un jour, elle revint d’elle-même au sujet où je désirais la conduire. « Les chagrins que j’ai éprouvés, dit-elle, doivent paraître si étranges, que j’ai toujours senti une grande répugnance à les confier : il n’y a point de juges des peines des autres, les confidents sont presque toujours des accusateurs. — Ne craignez pas cela de moi, lui dis-je ; je vois assez le ravage que le chagrin a fait en vous pour croire le vôtre sincère. — Vous le trouverez sincère, dit-elle, mais il vous paraîtra déraisonnable. — Et en admettant ce que vous me dites, repris-je, cela exclut-il la sympathie ? — Presque toujours, répondit-elle ; cependant, si, pour me guérir, vous avez besoin de connaître les peines qui ont détruit ma santé, je vous les confierai quand nous nous connaîtrons un peu